Tierno Saïdou Diallo, alias Tierno Monénembo, a déclaré vendredi soir à Dakar qu’il n’était pas optimiste face à la situation en Guinée, où une junte militaire s'est emparée du pouvoir à la suite du décès du président Lansana Conté.
Présentant son denier roman intitulé "Le roi de Kahel" (Prix Renaudot 2008), Tierno Monénembo, qui vit en exil depuis des décennies, a soutenu : "La situation en Guinée m’obsède beaucoup. Mais chez nous, l’histoire se répète. Sékou Touré est remplacé par Lansana Konté, puis d’autres militaires sont venus. Et cela continue. Et l’armée au pouvoir, hormis quelques exemples comme Jerry Rawlings, Thomas Sankara, etc. Ce n’est jamais bon. On peut dire qu’il n’y a pas de changement. Ils sont tous corruptibles. Et aujourd’hui, c’est la troupe qui est au pouvoir. Elle est incontrôlable. La catastrophe est vite arrivée". Il a toutefois admis que cette fois-ci, les institutions étaient tellement vides qu’on ne pouvais pas éviter cette situation. "En tout cas, je ne suis pas encore optimiste. Je le serai, peut-être, à long terme. Il faut attendre les futures générations qui comprendront leur époque. Actuellement, nous sommes dans un no man’s land spirituel et institutionnel. Nous avons quitté le système traditionnel, et nous sommes dans un système où c’est l’homme qui arrive au pouvoir qui, avec ses sautes d’humeur, devient l’institution", a-t-il dit. Parlant de son exil qui dure depuis 40 ans, l’auteur de "Peuls" a indiqué que celui-ci est devenu volontaire, car étant propice à l’écriture. "J’ai maintenant le droit de rentrer en Guinée. J’y reviens, mais je ne le fais pas définitivement", a-t-il précisé à cet effet. A propos de l’écriture, il a révélé : "Elle me soulage de la douleur. L’écriture est faite pour cela. C’est au moyen de la parole que la personne est parvenue à faire baisser le sentiment de chaos, d’angoisse qui vit en elle. C’est par le fait de nommer les choses que l’homme a trouvé un sens à la vie. C’est par l’art, la musique, l’écriture, etc, que l’être humain a exorcisé les démons de l’existence. Parler des choses guérit le mal et le rend supportable. Après avoir écrit Le roi de Kahel, j’ai eu l’impression de plus supporter la colonisation. L’écriture est devenue un médicament, une nécessité pour moi". Tiemo Monénembo, né en Guinée, a choisi l'exil dès 1969, fuyant la dictature d’Ahmed Sékou Touré, premier président de la Guinée. Après un détour au Sénégal, il a rejoint la France en 1973, et finit par s’y installer malgré des séjours au Brésil et à Cuba. Docteur ès sciences, il a présenté une thèse en biochimie en France avant d’enseigner au Maroc et en Algérie. L’auteur a publié de nombreux romans dont "Les Crapauds-brousse" (1979), "Les écailles du ciel" (1986), "Un rêve utile" (1991), "Un attiéké pour Elgass" (1993), "Pelourinhoen" (1995), "Cinéma" (1997), "L'Aîné des orphelins" (2000), "Peuls" (2004) et "La tribu des gonzesses" (2006, adapté au théâtre). L’Afrique et la culture peule demeurent les sujets de prédilection de ses écrits. Après l’Ivoirien Ahmadou Kourouma en 2000 et le Franco-Congolais Alain Mabanckou, Tierno Monénembo est le 3ème Africain à remporter au cours de la dernière décennie le Prix Renaudot, grande distinction de la littérature française, avec "Le roi de Kahel", qui est son 10ème ouvrage. - Pana