Les manifestations de soutien populaire organisées vendredi en faveur de la junte militaire au pouvoir à Conakry ont suscité des inquiétudes sérieuses parmi de nombreux guinéens à l’étranger, estimant que de telles pratiques pourraient encourager le CNDD à renoncer à sa promesse initiale de rendre le pouvoir aux civils au cours d’une période de deux ans.
Mais en tournée dans plusieurs villes américaines où il tente d’expliquer le programme politique de son parti, M. Abe Sylla, leader de la Nouvelle Génération de la République- (NGR), autrefois appelé RGT, s’est montré serein: “Ces manifestations sont celles d’une infime partie de la jeunesse guinéenne. Elles ne sont soutenues ni par la société civile, ni par aucun parti politique”, a t-il déclaré à Boston, dans un entretien téléphonique avec AfricaLog. Selon lui, la junte militaire guinéenne n’a qu’une seule option, celle de rendre le pouvoir aux civils à travers des élections libres et transparentes dans un bref délai. “Ils l’ont dit à la prise du pouvoir le 23 décembre et ils ont même exprimé l’intention de tenir les élections au cours des 12 prochains mois et nous les tenons au mot,” a t-il souligné. M. Sylla estime que la pression internationale, y compris les sanctions politiques, économiques et diplomatiques imposées récemment au pays, pourrait contraindre la junte militaire à respecter ses engagements. Le Conseil National pour la Démocratie et le Progrès (CNDD), qui a saisi le pouvoir le 23 Décembre dernier, ne s’est pas encore prononcé sur une feuille de route définitive. Toutefois, au lendemain de sa prise du pouvoir, le leader de la junte, le capitaine Moussa Camara, avait indiqué qu’il était disposé à rendre le pouvoir aux civils en Décembre 2010 après les élections législatives et présidentielles. Au début du mois dernier, il avait également exprimé son intention d’écourter la période de transition, en démandant aux partis politiques de participer à la définition de la feuille de route. Mais en raison du mutisme reservé aux propositions faites récemment par les partis politiques –soutenu par des discensions au sein du CNDD et les récentes manifestations de soutien au chef de la junte-, certains observateurs se demandent avec angoisse si l’on arrivera aussitôt à des élections. "Il ya lieu de s'inquiéter," affirme M. Mory Diané, spécialiste de politique guinéenne à Washington, en faisant remarquer que c'est par allégeance au Comité Militaire de Redressement National (CMRN) et par des manifestations de soutien à son programme que l'ancien dictateur, le général Lansana Conté, avait reussi à s'acrocher au pouvoir pendant un quart de siècle. Face à cette situation, M. Diané estime qu'il est temps pour les partis politiques, les intélectuels et la société civile guinéenne de résister à toute tentative par la junte de dévier la transition. Car, a t-il dit, la pression internationale à elle seule ne suffit pas. M. Sylla, l’un des nouveaux acteurs politiques du pays, est un américain d'origine guinéenne établi aux Etats-Unis il ya plus de 30 ans. Même s'il demeure rélativement peu connu de l’électorat guinéen, il estime que son parti a des ressources nécéssaires pour s’imposer si des élections législatives et présidentielles étaient organisées en Guinée. Après sa tournée de prise de contact avec les cellules de son parti aux Etats-Unis, le leader de la NGR envisage de se rendre en Europe et en Guinée pour des meetings de sensibilisation.-AfricaLog