Gloria Mika a des "doutes sur la transparence" de l'élection présidentielle au Gabon. Aussi, ce jeune mannequin veut agir. Elle court, téléphone et enchaîne les nuits blanches, rivée sur son ordinateur, en quête d'"anges gardiens" pour surveiller le scrutin du 30 août.
A 29 ans, cette métisse d'1m88 de mère grecque et de père gabonais, qui a défilé pour Ungaro et prêté son visage à L'Oréal, a entamé une "course contre le temps". "Après l'élection, ce sera trop tard. C'est maintenant que ça se joue!", explique-t-elle, assise dans un café de Paris où elle était, à l'origine, venue en vacances. C'est mi-juillet que Gloria, qui vit à Athènes où elle vient de terminer des études en communication, a choisi de s'impliquer pour ce pays qu'elle a quitté à l'âge de 16 ans. Tout d'abord, des "informations pas claires" que l'ambassade du Gabon en France diffuse sur les inscriptions sur les listes électorales la rendent méfiante, même si la jeune femme ne relève aucune irrégularité. Mais surtout, Gloria se heurte au fatalisme de Gabonais de son entourage, échaudés par le déroulement des précédentes élections, toutes remportées par le président défunt Omar Bongo, au pouvoir durant 42 ans. "Un certain nombre de personnes sont persuadées que l'élection est déjà faite (en faveur d'Ali Bongo, ministre de la Défense et fils de l'ex-président, ndlr). Je me suis dit que ce n'était pas possible. Nous sommes supposés être un pays démocratique, pas une monarchie!". Après une longue nuit de travail, le "20 juillet à 07H40", elle crée "Les anges gardiens du Gabon" sur le site Facebook. "Une initiative personnelle, citoyenne et sans coloration politique", précise-t-elle. "A mon réveil, le lendemain, j'ai eu la surprise d'avoir déjà une cinquantaine de membres. C'est parti très vite. Des contacts m'ont ensuite aidée à faire un site officiel sur internet pour paraître plus crédible. Je me suis dit: +génial, je ne suis pas toute seule+". Sa pétition en faveur d'un report de la date des élections, qu'elle juge essentiel pour un scrutin dans les règles, a rassemblé plus de 720 signatures. Mais si la présidentielle a bien lieu le 30 août, elle veut recruter d'ici là des "anges gardiens", des "citoyens bénévoles" au Gabon et à l'étranger qui iront se poster dans les bureaux de vote. Gloria Mika s'est renseignée sur les "techniques de fraudes". Elle voudrait que le procès verbal qui annonce le vainqueur dans chaque bureau soit pris en photo. Elle veut aussi comptabiliser les votants et recouper ce chiffre avec celui des bulletins dépouillés. A près de trois semaines du scrutin, elle ne compte qu'une trentaine de volontaires. Mais elle dit avec été contactée par une ONG gabonaise qui pourrait lui fournir 3.000 "anges". Elle collabore également avec Ushahidi, plate-forme de partage de l'information, créée au Kenya en 2008, sur laquelle tout citoyen peut envoyer des informations via SMS ou e-mail. "Il est temps de montrer qu'on passe à autre chose. Une transition transparente et démocratique au Gabon, c'est un message fort pour l'Afrique". Son tee-shirt "ange gardien" sur le dos, avec l'inscription "Que les candidats soient bon joueurs (...) que le peuple gabonais soit le réel vainqueur", Gloria veut "faire du bruit avant les élections". "Parce que si elles ne se passent pas comme il se doit, j'ai la crainte que ça se passe très, très mal après. On ne peut pas se payer le luxe d'une guerre civile", dit-elle avec gravité. A Paris, elle veut gagner "en visibilité". Et elle sait qu'un beau visage peut aider. "J'en suis persuadée. Si c'est un tremplin, pourquoi pas?" - AFP