Un homme d'affaires puissant et fâché, un président très ambitieux, des rencontres secrètes dans des hôtels de grandes capitales... Le Bénin se passionne ces jours-ci pour un complot qui visait prétendument à se débarrasser du chef de l'État. Qui a voulu tuer Thomas Boni Yayi? Ou plutôt... a-t-on vraiment planifié le meurtre du président?
Le principal suspect: Patrice Talon
Magnat du coton, ancien allié du président, M. Talon est en dispute avec le régime depuis quelques mois, car il a dû renoncer à un important contrat dans le port de Cotonou ainsi qu'au monopole des intrants coton. Il aurait financé les deux dernières campagnes présidentielles, mais refusé de cautionner un changement constitutionnel pour permettre au président de se représenter une troisième fois. Selon le procureur qui a réclamé un mandat d'arrêt, Patrice Talon est le cerveau du complot.
Les complices
Zoubérath Kora-Séké, nièce du président
Ibrahim Mama Cissé, médecin du président
Mudjaidou Soumanou, ex-ministre du Commerce et de l'Industrie
Les circonstances
Le Dr Cissé aurait accepté de remettre à Patrice Talon, lors d'une rencontre à New York, une liste des médicaments qu'il avait l'habitude de prescrire au président Boni Yayi. La semaine dernière, à Bruxelles, M. Talon aurait rencontré Mme Kora-Séké et le Dr Cissé et aurait promis à chacun la somme d'un milliard de francs CFA (1,9 million CAN) s'ils réussissaient à faire ingérer au président des médicaments mortels à la place de ses antidouleurs habituels. L'ex-ministre Mudjaidou Soumanou aurait quant à lui récupéré un colis contenant les pilules empoisonnées, arrivé par avion à Cotonou vendredi dernier, et les aurait remis au médecin. Un commando aurait été chargé d'exécuter le médecin et la nièce après l'assassinat du président.
L'empoisonnement, prévu le week-end dernier, n'a finalement pas eu lieu, car Mme Kora-Séké a ébruité l'affaire auprès de sa soeur, qui a averti le président.
Le mobile présumé du crime
Outre une vengeance de l'homme d'affaires Patrice Talon, les observateurs font état d'un complot plus large. Déjà, le 20 août, un communiqué du gouvernement faisait mention «d'informations persistantes» au sujet d'un «projet de déstabilisation commandité par des hommes politiques, en relation avec des opérateurs économiques et certains circuits syndicaux».
Les accusations
Les trois complices ont été arrêtés hier et inculpés d'association de malfaiteurs et de tentative d'assassinat. Patrice Talon, quant à lui, est introuvable.
Y a-t-il vraiment eu tentative d'assassinat?
Les Béninois sont sceptiques. Et si leur président souffrait de paranoïa? «On invente des complots pour se débarrasser d'un certain nombre de gens gênants», a dit le député Lazare Sehoueto, de la coalition de l'opposition L'Union fait la nation. D'autant plus que, selon les avocats de M. Talon, ce dernier aurait été en désaccord avec une révision de la Constitution pour accorder un troisième mandat à Boni Yayi... Vrai? Faux? L'avocat de la défense, Joseph Djogbenou, est énigmatique. «Il y a suffisamment d'éléments qui laissent penser que, peut-être, le complot existe. Mais de quel côté, on ne peut le dire pour le moment.» - AfricaLog avec agence